Je me souviens mes premiers émoisEn l'éclosion de mes vertes années.Y avait la guerre et l'école, et pour moi,C'était chagrin et le piquetEt marainotte et tonton ÉtienneM'avaient appris à dire bien poliment :" J'ai eu six ans. Je suis un gentleman. "Et on riait de mon accent.C'était le temps des tabliers bleus.A la récré, on était des dieuxEt papa n'appréciait pas : " Maréchal, nous voilà. "Je me souviens d'une maîtresse en or,Du préau, de la cour, des marronniers,L'encre violette, la plume sergent majorEt du grillon dans mon plumier.Je me souviens de cette photo de classeOù je suis le seul à sourire, comme toujours,Et de maman qui peignait ma tignasseQuand je partais l'œil plein d'amour.C'était le temps des tabliers bleus.A la récré, on était des dieuxEt papa n'appréciait pas : " Maréchal, nous voilà. "Je me souviens de cette fin de guerre,Du café plein de héros fatigués.Certains rentraient des maquis en colèreQuand leurs copains y'étaient restés.Ils parlaient tous de prisonniers boches,De collabos et de camps insensésEt de ticket pour le pain, les galoches,Et les zazous venaient danser.C'était le temps des tabliers bleus.A la récré, on était des dieuxEt maman gardait pour moi sa ration de chocolat.Je me souviens des fiers justiciers,Des beaux yeux de la tondue qui pleuraitEt de Joseph -- Papa l'avait caché --Quand il revint le remercier.Puis ce fut le temps des belles parties de pêcheDans ces matins que l'on cueille en silence.Papa, maman avaient une âme fraîche.Ce fut toujours la connivence.Fini le temps de tabliers bleus.A quatorze ans, j'allais être vieuxEt papa voulait déjà que je trouve le la.Ces années tendres où j'étais heureux,Tous ces souvenirs loin du couvre-feuSont ressortis d'une poche de mon tablier bleu.
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